Berthe Morisot, impressions d’une femme peintre

23 Mar

Berthe Morisot, du 8 mars au 1er juillet 2012, Musée Marmottan Monet

par Grégoire

Première fois que le Point C est invité à une visite presse. Autant vous dire que maintenant on peut grave se la jouer. Mais non, rrooo. Bref, avec Aurore, j’arrive devant le musée Marmottan, tout impatient que je suis. L’endroit est franchement sympa, tout comme ceux qui y travaillent. J’apprends qu’un petit déjeuner est servi dans une salle. Avec Aurore, on hésite : on y va ? On n’y va pas ? On hésite parce que bon, on n’a pas envie de passer pour des parasites, des gamins qui préfèrent taper dans les croissants plutôt que de faire leur job. On se dit qu’on verra ça plus tard : les croissants peuvent bien attendre, mais l’expérience muséale, elle, n’attend pas. Trêve d’expressions pseudo-intellectuelles : approchez, je vais vous parler un peu de l’exposition sur Berthe Morisot.

Avant toute chose, et n’étant pas passé par la case croissants, c’est accompagné d’Aurore que je parcours les salles d’exposition permanente avant d’entamer l’expo temporaire. C’est la première fois que je visite ce lieu, et je suis ébahi par la quantité d’oeuvres de Monet qu’il y a. Je pense notamment à une salle pleine de représentations de nymphéas, accrochées sur des cimaises en verre, ce qui permet aux visiteurs d’en voir parfois le revers.

Mais la star du musée, l’incontournable, DA PAINTIN’, c’est bien sûr Impression, soleil levant. Œuvre majeure dans la carrière de Monet, elle n’est pas vraiment mise en valeur. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : la toile est très bien présentée, là n’est pas la question. Mais contrairement au Louvre, où l’on voit un peu partout des flèches qui mènent jusqu’à la Joconde, il n’y a rien de tout ça à Marmottan. Encore une fois, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je trouve ça très bien de ne pas avoir choisi cette solution, car c’est justement ça qui nous a poussés à parcourir toutes les salles du rez-de-chaussée. Nous sommes allés de découverte en découverte, et nous avons pu regarder Impression, soleil levant comme une pièce normale. En fait, on s’est rendu compte que même si c’est une œuvre emblématique, d’autres sont aussi émouvantes.

Claude Monet - Impression, soleil levant - 1872 - Musée Marmottan Monet

Après ces petites pérégrinations, nous descendons au sous sol afin d’aller voir les œuvres de Mme Berthe Morisot. Manifestement, il y en a beaucoup : 150 peintures, pastels, aquarelles, sanguines et fusains se déploient dans un espace aéré, dans lequel le texte se fait rare. Bon ou mauvais point, à chacun son avis. Personnellement, ce matin-là, je n’avais pas envie de lire. Je souhaitais simplement regarder – chose que l’on oublie certainement trop souvent – et me faire mon propre avis sur la question. Comment s’organise l’exposition ? Eh bien c’est très simple : il s’agit d’un parcours chronologique destiné à montrer au visiteur un panel d’oeuvres représentatives de la carrière de la femme peintre. C’est donc assez logiquement que l’on commence par les œuvres de jeunesse (des copies d’après Véronèse ou Camille Corot dont elle fut l’élève) et que l’on termine sur des pièces montrant toutes les recherches de Morisot sur le dessin et la dissolution des formes.

© Musee Marmottan Monet

© Musee Marmottan Monet

L’exposition, plutôt que de classer bêtement les œuvres dans l’ordre chronologique, les organise selon certains thèmes, comme sa relation avec Manet dont elle fut la belle-soeur, ses différents modèles (parmi eux sa sœur Edma et sa fille Julie née en 1878), sa passion pour les costumes de bal, ses paysages, ses grandes compositions, ou encore le caractère proprement féminin de sa production, c’est-à-dire cette douceur que Berthe, grâce à son emploi d’un coloris pastel, insuffle à ses tableaux. Les comparaisons fusent : Watteau, Fragonard, etc. Petit reproche cependant : pourquoi ne pas avoir pensé à Rosalba Carriera, pastelliste du XVIIIe siècle ?

Berthe Morisot, Au bal, 1875 © Musee Marmottan Monet

 

Berthe Morisot, La Psyché ou Le Miroir, 1876 © Museo Thyssen-Bornemisza

Rosalba Carriera - Portrait de jeune fille - 1708 - Musée du Louvre, Paris

Les dessins sont présentés dans une salle à part, dans la pénombre. On comprend bien les raisons de conservation qui ont conduit à plonger cette salle dans une quasi-obscurité, les dessins ne pouvant supporter un éclairement trop important. Néanmoins, cette ambiance contribue considérablement à faire de ces œuvres des apparitions, des élans de l’âme jaillissant de la sensibilité de l’artiste.

Pour résumer, vous l’aurez compris, l’exposition sur Berthe Morisot est agréable à visiter. Le lieu n’est pas segmenté de manière abrupte : les différents thèmes se développent les uns à la suite des autres sur les murs ondulés, créant presque un océan coloré, un espace immersif. D’accord, on est loin des deux salles de l’Orangerie présentant les Nymphéas de Monet, mais bon, ça marche quand même bien. La richesse et la quantité des œuvres accrochées permet réellement au visiteur de se faire son avis et d’embrasser très largement la carrière de l’artiste. Amie de Manet, Degas, Renoir, Fantin-Latour, Puvis de Chavanne ou encore Mallarmé, Morisot nous est présentée comme un artiste majeur de son époque. Avec 25 peintures et 50 dessins, le Musée Marmottan Monet possède la plus grande collection d’oeuvres de Berthe Morisot au monde, et offre au public la première rétrospective à Paris depuis près d’un demi-siècle. Une exposition qui ravira les plus ferventes des féministes !

Avant de vous quitter, autre chose : n’oubliez pas de visiter l’étage. Pas pour les œuvres néoclassiques hein (chacun ses goûts), mais plutôt pour la collection de miniatures, de peintures et de sculptures italiennes, françaises et flamandes. Un délice.

Ah oui, et pour ceux qui se demandent si les croissants étaient bons, et bien je ne peux vous fournir de réponse. A peine avions-nous laissé Berthe que le petit-dej avait déjà été débarrassé… Nourriture spirituelle ? Mouais.   

En bref, on a aimé :

– la quantité d’oeuvres présentées

– le caractère abordable du propos

– la fameuse salle mystère à l’étage

 

On a moins aimé :

– la boutique et ses produits dérivés (mais qui dérivent dangereusement)

– l’absence de textes pour ceux qui voudraient « aller plus loin » (un petit guide serait approprié)

– les croissants, puisqu’on ne les a pas goûtés !

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