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Quand les Arts de l’Islam volent la vedette à la Joconde

6 Oct

par Aurore et Grégoire.

Tout récemment, le nouveau Département des Arts de l’Islam ouvrait ses portes au public, un événement important que nous nous devions de vous présenter. Pourquoi ? Parce que les collections françaises – et surtout celles du Louvre – sont d’une richesse exceptionnelle dans ce domaine.

Le département voit le jour en 2003, mais le chantier commence en 2008. Ce sont les architectes Rudy Ricciotti et Mario Belini qui s’en chargent : ils aménagent un espace à deux niveaux qu’ils couvrent d’une « aile de libellule », une couverture de verre fragmentée par une armature en métal doré qui permet d’utiliser au mieux la lumière naturelle. Un véritable tour de force technique, puisque la structure s’épanouit en pleine cour Visconti, dont les façades ont été restaurées. La collection comporte plus de 14 000 objets auxquels s’ajoutent les 3 500 œuvres déposées par le musée des Arts Décoratifs. Eh oui, on vous a dit qu’il s’agissait d’une richesse exceptionnelle…

Mais ce désir d’intégrer les arts de l’Islam au Louvre n’est pas tout récent. Faisons un petit point d’histoire. Déjà en 1893, une section consacrée aux « arts musulmans » est ouverte, mais c’est grâce à deux conservateurs – Gaston Migeon et Emile Molinier –, que les collections deviennent de plus en plus importantes, jusqu’au legs de la baronne Delort de Gléon en 1912. Un département des arts asiatiques est ensuite créé en 1932, qui intègre des objets d’art islamique. Néanmoins, les collections d’Extrême-Orient sont transférées au musée Guimet en 1945, et les arts de l’Islam sont présentés en fin de section au Département des Antiquités Orientales. Enfin, en 1993 avec le projet du Grand Louvre, les œuvres sont présentées dans un espace à part de 1000 m². Aujourd’hui, le département fait 3000 m²

Le département entend présenter les différentes réalisations artistiques des débuts de l’Islam au VIIe siècle jusqu’au XIXe siècle, des arts décoratifs aux éléments d’architecture, des tapis aux armes. Le monde islamique est vaste, très vaste, et a constamment bougé au fur et à mesure du temps, et le parcours cherche à confronter des pièces de provenances différentes, afin que le visiteur puisse remarquer que sous cette apparente homogénéité se cachent de nombreux particularismes régionaux.

Une fois les présentations faites, il nous reste tout de même à vous dire ce que l’on a pu penser de tout ça ! C’est de bon matin que nous avons découvert ces nouveaux espaces – ainsi que ceux dédiés à la Méditerranée Orientale.

Aurore :Avant même de pénétrer dans ce nouveau département, la surprise est totale. Et oui, on a eu la chance d’entrer dans ce nouvel espace par les quais de Seine, et on est donc passé par une de ces nombreuses cours du Louvre toujours fermées au public. Les fontaines zoomorphes sont en marche, on prendrait bien cette rampe d’escalier dans une robe à panier… Pardon, ce n’est pas le sujet. Nous traversons donc les nouvelles salles consacrées à la Méditerranée Orientale dans l’Empire romain : portraits du Fayoum et autres splendeurs, si les pièces ne surprennent pas par leur densité, elles ont pourtant donné lieu à un catalogue conséquent. A mentionner, donc. Quant aux arts de l’Islam, l’enchantement est complet. Nous, étudiants de l’Ecole du Louvre, n’avons jamais pu apprécier les collections du musée (le département est fermé depuis 2008, année d’arrivée au sein de ladite Ecole), alors les découvrir dans un écrin pareil, autant vous dire que c’est toute une expérience. Deux approches possible : flâner au milieu des pièces en appréciant les bijoux de modernité que sont les films explicatifs, les cartes des civilisation, en couleur et animées s’il vous plait ; ou bien vous y mettre à fond et découvrir douze siècles de créations. Si vous choisissez cette deuxième option, emmenez un petit goûter, car c’est dense. Néanmoins, le musée du Louvre possède une collection exceptionnelle (une des plus riches au monde) et ce nouveau département est à la hauteur des objets qu’il renferme. Un seul conseil : courrez-y.

Grégoire : Je ne vais pas être original, mais j’ai adoré. A peine arrivé, on pénètre sous cette tente-libellule-crêpe qui surprend, séduit, et rappelle les dunes des déserts orientaux. Pour rester dans le cliché, on aimerait presque faire la visite avec un thé à la menthe. Blague à part, hormis le fait que les œuvres qui sont splendides (on vous l’a répété 100 fois), il faut dire la muséographie fait la part belle à la pédagogie – chaque vitrine accueille un texte qui développe un thème précis – et aux nouvelles technologies. En effet, les écrans tactiles sont partout, des spots dessinent des lettres arabes sur les murs, des panneaux de verre vous racontent des poèmes. Ah, là j’en vois qui froncent les sourcils, et c’est bien normal ! Je m’explique : des plaques de verre sont fichées dans le sol, et diffusent, sans aucun haut-parleur (le son étant créé par les vibrations de la matière), des enregistrements. C’est assez bluffant, et c’est français, alors on en est fier. L’espace est idéal : gigantesque, aéré et ouvert, il joue sur les contrastes entre lumière naturelle et lumière artificielle, entre ambiance dorée et pénombre profonde, ce qui ne manque pas de mettre en valeurs les reflets des pièces d’orfèvrerie et autres céramiques à lustre métallique. 

Inutile de raviver le débat : que signifie « Islam » ? Est-ce une stratégie politique d’apaisement que d’inaugurer ce département maintenant ? Devons-nous y voir de la démagogie ? Non, non et non. Ce département est un projet depuis l’amorce du Grand Louvre dans les années 1980. Et les civilisations islamiques touchant des peuples aux confessions et aux traditions diverses n’ont que faire de nos simagrées actuelles.

Oubliez ce battage médiatique, et profitez de ce que le Louvre vous offre. Des chefs d’œuvre.