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Retour(s) sur Gustave Le Gray au Petit Palais

20 Oct

Exposition Modernisme ou modernité. Les photographes du cercle de Gustave le Gray, 3 octobre 2012 – 6 Janvier 2013, Petit Palais.

par Ludo, Florian, Camille C. & Aurore C.

C’est au Petit Palais (oui celui en face du Grand !) que vient d’ouvrir la première grande exposition de ce Mois de la Photographie 2012 qui s’annonce des plus palpitants. En collaboration avec l’incontournable Maison Européenne de la Photographie, le musée des Beaux arts de la Ville de Paris nous propose cette étude fort attrayante des élèves et amis proches du photographe qui est sans doute le plus connu du XIXème siècle : Gustave le Gray.

En effet, après sa redécouverte initiée par les études et la fameuse vente de la collection André Jammes en 1999, puis par la grande rétrospective à la BNF en 2002 sous la houlette de Sylvie Aubenas, Le Gray est devenu la star des maisons de ventes affolant les compteurs et battant tous les records pour une photographie du XIXème siècle (917 000 euros pour des Bateaux quittant le port du havre à Vendôme le 18 Juin 2011).

Et en effet, le Gray, c’est LE maitre de la lumière, de la composition et du tirage et – pourquoi pas, osons le mot – de « l’instantané », rivalisant avec les grands maîtres de la peinture alors que la photographie n’est encore que dans son adolescence. L’exposition propose donc d’évoquer ce personnage incontournable de l’histoire de la photographie et surtout son héritage technique et artistique à travers 160 épreuves de lui-même et de ses élèves non moins célèbres, parmi lesquels Auguste Mestral, Charles Nègre, Henri le Secq, John Beasley Greene ou encore Adrien Tournachon

Gustave Le Gray et Auguste Mestral, Galerie du cloître de Moissac, 1851, Epreuve sur papier salé d’après un négatif papier, 25,1 x 34,8 cm, Paris © Paris, Collection Serge Kakou

L’équipe du Point C à visité l’exposition avec ses invités du soir …. Qui vous livrent leurs impressions :

Florian : « Grâce au concours organisé par Le Point C, j’ai eu la possibilité de participer au vernissage de l’exposition prenant pour thème central Gustave Le Gray, grand photographe du XIXème siècle. Notamment connu pour avoir réalisé le premier portrait de chef d’Etat (Napoléon III), l’artiste technicien a eu un fort impact sur le développement du médium photographique en formant la nouvelle génération de l’école de Clichy.

Modernisme ou Modernité, voilà le nom porté par cette toute nouvelle exposition présentée au Petit Palais. Or, de mon côté en tout cas, je n’ai pas ressenti la tension sous-entendue entre les termes durant la visite, pas de définition, deux ou trois allusions sur les cartels d’explications. Et là est le principal défaut de cette exposition, la scénographie. L’espace m’a paru relativement confus, l’unité dans les premières salles étant encore obscures pour moi, et dans les dernières uniquement axée sur les artistes formés par Le Gray, l’un après l’autre (catalogue), avec des effets de redondance dans les descriptions individuelles (même maître, mêmes techniques). Les cartels d’explication quant à eux restent de mon point de vue dans les généralités abstraites, quand une explication sur les différences entre négatif sur verre et sur papier aurait pu être par exemple développée, notamment pour la catégorie des  non-initiés dont je fais partie.

Il n’en reste pas moins que les œuvres présentées sont de qualité et que le fond de l’exposition est extrêmement intéressant : pour montrer l’importance de l’artiste, les commissaires d’exposition ne se sont pas contentés de présenter les photographies de l’artiste (les ont peut-être même trop marginalisée..), mais ont au contraire dévoilé la « descendance » qu’il a engendré et les pistes lancées aux générations futurs : assemblage de négatif, maîtrise du tirage ou même le concept de série.

Comme le signale le premier cartel, il n’est de toute façon pas possible de présenter en quelques salles tout l’impact qu’a pu avoir Gustave Le Gray, mais à trop vouloir généraliser, on tombe parfois plus dans le sentimental (formules emphatiques, etc.) que dans le caractère scientifique que l’on aurait pu attendre ici. Le concept de l’exposition reste toutefois intéressant et ce genre de manifestation doit de toute façon s’inscrire dans un espace et faire avec les contraintes (de taille ici) qu’il impose, un lieu rassemblant différents aspects de l’œuvre d’un artiste peut-il de toutes façons être totalement représentatif de son importance et de son impact sur les générations suivantes ?« 

Alphonse Delaunay, Type espagnol, 1854 Epreuve sur papier albuminé d’après un négatif papier, 17,5 x 12,5 cm © Collection particulière

Camille C. : « Il est, à mon goût, bien trop rare d’avoir la chance d’assister à une exposition de photographies du XIXème siècle (ou alors je ne sais pas où regarder… mais c’est une autre histoire). C’est pourquoi j’étais très fière d’assister en avant-première à l’exposition du Petit Palais sur Gustave Le Gray et ses comparses (bien que pour un vernissage, cela manquait de champagne et d’amuse-gueules !).

L’exposition vaut vraiment le détour, ne serait-ce, pour vous amis historiens, rien que pour redécouvrir le Paris en pleine transformation du Second Empire. Les clichés nous montrent une ville en mouvement, en particulier dans sa structure et dans son architecture et, assez paradoxalement, les photographes ne montrent que très peu – voire pas du tout – l’homme dans son environnement urbain. Et puis, si comme moi vous kiffez Napoléon III, sa vie, son œuvre, vous serez ravis de croiser Eugénie de Montijo au détour d’un mur !

Outre les infinies possibilités de recherche artistique qu’offrent la découverte et le développement de la photographie dans la première moitié du XIXème siècle, c’est surtout grâce aux expérimentations techniques que Le Gray et son petit groupe d’amis vont améliorer et diffuser le support photo non seulement dans le milieu des arts, mais aussi dans d’autres domaines du savoir, comme par exemple l’anatomie avec Adrien Tournachon, frère du célèbre Nadar, qui contribue aux expériences faciales du docteur Duchenne de Boulogne, ou encore l’archéologie.

Les photographes nous emmènent, d’un coup, très loin : les clichés de voyage rappellent le goût pour l’exotisme et l’inspiration qu’offrent les destinations nouvelles. Au-delà des « photos de vacances » (oui, je l’avoue, j’ai par moments eu cette impression…), c’est aussi un travail de recherche qui accompagne les esprits savants de l’époque : on rapporte de ces endroits de magnifiques clichés d’antiquités, qui permettent très certainement d’approfondir les découvertes archéologiques.

Enfin, on découvre quelques portraits, et quels portraits ! Nous assistons finalement à un spectacle vivant que fixe la photographie, tranchant avec le silence des photos d’architecture, avec des scènes de rues (vues sur la place de Clichy) ou encore plus solennelles, entre portraits officiels et, assez étonnant, les photos d’un mime.

Malgré mon enthousiasme pour cette expo, je dois, pour certains points, lui décerner un « peu mieux  faire ». Tout d’abord, l’écriture des panneaux, bien que complets et permettant de bien suivre le fil, qui est blanche sur fond violet foncé : ça pique mes petits yeux fragiles ! Ensuite, et c’est bien là mon plus grand regret, cela manque, en plus des clichés à proprement parler, d’objets qui permettraient de comprendre l’environnement de travail des photographes, l’évolution de leur matériel et de leurs procédés, mais aussi de saisir les termes techniques pour les pauvres néophytes comme moi (Qu’est-ce que du papier salé ? Hein ?)

Quoi qu’il en soit, c’est un véritable plaisir d’assister à une exposition qui offre à voir, en plus de la dimension artistique du cliché, toute la recherche technique qui lui précède ; ces expériences, sur un support nouveau et en plein essor, permettent de saisir les bases d’une photo réussie, entre cadrage, jeux d’ombres et de lumières, optimisation du sujet. En bref, le cliché photographique est conçu comme une véritable œuvre picturale. »

Adrien Tournachon, Taureau de Marienhof, Agé de 30 mois, présenté par M. Senekowitz à Saint Georgen, près Unmark (Autriche), 1856, Epreuve sur papier salé avec couche protectrice à la gélatine d’après un négatif verre, 29,5 x 22 cm © Bâle, collection Ruth et Peter Herzog

Aurore C. : « Oui, Gustave Le Gray, j’en avais forcément déjà entendu parler ; mais non, je n’avais encore jamais vu son travail; lacune heureusement disparue récemment (merci au Point C). Le Gray donc, mais pas seulement, puisqu’on découvre aussi à travers un agencement alambiqué des salles ses élèves : Delaunay, Nègre, Greene, … et surtout Adrien Tournachon, qui a le plus attisé ma curiosité. Ce sont tous les prémices d’un art qui n’était pas encore considéré comme tel par une majorité qui nous sont présentés, l’évolution des thématiques, du traitement du sujet, et surtout la diversité des techniques qui restent encore pour moi assez floues. On regrettera le petit nombre de pièces exposées de Le Gray. Le genre d’exposition de laquelle je sors en étant frustrée, puisqu’elle me révèle une fois de plus mon ignorance en la matière, tout en me poussant à chercher et comprendre par moi-même des termes techniques tels que : technique du ciel rapporté, négatif sur verre, négatif sur papier sec… etc. Un sentiment mitigé en ressort, une exposition à conseiller pour les amateurs avertis d’abord, pour les curieux ignares comme moi ensuite. »

Programmation : Tous les jours (sauf lundi et fériés) 10h-18h, nocturne jeudi jusqu’à 20h

Tarifs : Entrée 6€

Musée du Petit Palais

avenue Winston Churchill 75008 Paris 8e

Champs-Élysées – Clémenceau (1/13)